ANBA TÈ, ADAN KÒ
Les recherches autour de l’héritage épigénétique semblent condamner une lignée à exprimer les blessures de ses aïeux.
C’est-à-dire que les traumatismes vécus par un ancêtre, une population, pourraient encore aujourd’hui subsister chez ceux qui ne l’ont pas vécu, en s’exprimant à travers leurs gènes.
L’oubli et le silence semblent avoir repoussé une confrontation avec certains fantômes du passé dans deux familles issues de la culture caribéenne. Qu’advient-il des non-dits ? Comment s’en libère-t-on ?
Le visiteur rencontre autour d’un arbre, à l’aide d’une application en réalité augmentée, les corps des membres de deux familles, scannés en 3D, tous reliés et pourtant si distants l’un de l’autre, pâles copies de
ces êtres bien vivants.
Que se cache-t-il sous ces peaux ? Sous leurs noms ?
Accompagné par celle qui fait le lien entre toutes ces personnes, le visiteur peut entendre leurs échanges, afin de l’aiguiller sur la recherche de ses propres fantômes.
EXPERIENCES
Il est possible de tourner autour de l’installation (pas de s’y installer). Une boucle de 10 minutes d’ambiance sonore y est audible. On peut y entendre "le jour", au sol, des fragments des 8 interviews, dépeignant par petits bouts la thématique et l’existence d’un ancien cimetière. Leurs voix sont entrecoupées par des raclements de tiban au sol. Le son monte vers le haut de l’arbre jusqu’à "la nuit", où les branches craquent, de nouvelles voix, comme sortie d’outre-tombe s’élèvent. Il s’agit d’échantillons du passé, de personnes nous ayant déjà quitté, issus de cassettes vidéo datant du début des années 90.
Une nouvelle dimension s’ouvre : les copies fantômes des 8 interviewés sont assis sur les tiban en réalité augmentée. Le visiteur peut alors, librement s’approcher d’eux afin d’entendre leurs voix distinctement.
Une femme, debout, indiquera le chemin à suivre afin d’écouter le récit narré dans l’ordre, sans pour autant que cela soit obligatoire. Ce dernier est un enchaînement d’interviews commentées par la femme,
s’adressant à Papa Jean, esclave affranchi en 1848 et le plus proche dans la lignée de l’une des familles.
Le son dans l’application est spatialisé. Pour entendre plus ou moins un personnage, il suffit d’agir comme dans la réalité : s’approcher ou s’éloigner.
Certaines interviews (celles faisant partie du récit narré) sont déclenchables uniquement en se positionnant auprès de la femme.
Il existe aussi des boutons ("passer" et "revenir") qui, comme l’indiquent leurs noms, permettent de passer un passage du récit ou au contraire, de revenir en arrière.
Des animations sont disséminées dans l’expérience, venant appuyer certains propos de l’histoire, voire la compléter.
L' ARTISTE
Magalie Mobetie (née en 1996, France) est une artiste qui mélange la vidéo, le son, la 3D, la réalité augmentée et l'interactivité dans son processus créatif. Elle s'intéresse à ce qui n'est pas dit, pas vu et aux raisons du silence.
Sa pratique transdisciplinaire se confirme au Fresnoy, studio national des arts contemporains (2020 - 2022), période durant laquelle elle enquête sur un ancien cimetière familial (Anba tè, adan kò, 2021). En 2023, Magalie rejoint le projet de résidence MANIFEST, qui vise à réimaginer la mémoire collective européenne de la traite transatlantique.